Le gouvernement français dirigé depuis deux semaines par le Premier ministre Michel Barnier a survécu à une motion de censure mardi.
Au total, 197 députés ont voté en faveur de cette motion de censure, soit moins que les 289 voix nécessaires pour obtenir la majorité absolue et renverser le gouvernement - et à peine plus que les 192 signataires du texte lui-même.
La motion de censure a été déposée par un groupe de 192 législateurs de la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP), composée de la France insoumise (LFI), des socialistes, des Verts et des communistes.
Dans sa motion, l'alliance accuse l'exécutif français de nier « le résultat des dernières élections législatives ».
Bien qu'elle ait obtenu le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale lors des élections législatives anticipées qui se sont tenues en France cet été, la gauche n'a pas eu la chance de former un gouvernement minoritaire. Le président français Emmanuel Macron a écarté la candidature de Lucie Castets, proposée par LFI, "au nom de la stabilité", après avoir tranché que "personne ne l'a emporté" aux législatives.
L'ouverture des hostilités à gauche
Mais, même loin d'obtenir la majorité absolue, le NFP estimait que le Premier ministre aurait dû être issu de ses rangs.
Clémence Guetté, députée du parti de gauche dure LFI, a déclaré que Michel Barnier gouvernait "par la force", rappelant que le parti du Premier ministre, Les Républicains (LR), était arrivé en quatrième position aux élections législatives "avec seulement 6 % des voix".
La dénonciation par l'insoumise de la "validation complice" du RN a été soutenue par la cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain : "C'est mathématique, sans le soutien du RN votre gouvernement serait renversé", c'est "la démonstration d'un accord politique entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen".
Olivier Faure, chef du Parti socialiste, a dénoncé un « hold-up démocratique », ajoutant que « le 7 juillet, c'est le Nouveau Front populaire qui est arrivé en tête ».
Barnier : la majorité "la moins relative"
M. Barnier a fermement rejeté les accusations de M. Faure selon lesquelles son gouvernement est « illégitime ».
« Je n'ai pas besoin qu'on me rappelle que le gouvernement est minoritaire », a déclaré M. Barnier. « Il n'y a de majorité absolue pour personne ».
Le nouveau gouvernement va bientôt être confronté à son plus grand défi, car M. Barnier a fait du redressement des finances publiques endettées de la France une priorité.
« La réalité que nous devons dire aux Français est que nous dépensons trop... Cela ne peut plus durer », a déclaré M. Barnier.
« Nous devons redresser le budget (de l'État), réduire nos dépenses publiques, et nous demanderons effectivement une taxe exceptionnelle aux entreprises et aux Français les plus riches... Il vaut toujours mieux chercher à être responsable que populaire ».
Le Premier ministre Michel Barnier a reproché à la gauche de ne pas lui donner sa chance et a affirmé que sa "majorité relative" était la "moins relative" possible, compte tenu de la fragmentation des forces politiques.
"Vous m'aviez informé, avant même que je n'ouvre la bouche, avant que je ne constitue le gouvernement, avant que je ne présente une déclaration de politique générale, que vous alliez me censurer", a-t-il déploré.
Le RN n'y va pas... pour l'instant
Le Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite qui compte 125 députés, a déclaré qu'il s'abstiendrait "pour l'instant" de voter contre le gouvernement de M. Barnier.
Guillaume Bigot, député d'extrême droite, a assuré que son "parti brûle de voter la censure", qu'il "n'aura aucun scrupule à voter" contre Michel Barnier, mais qu'il ne le fera pas aujourd'hui.
"Notre groupe brûle de voter la censure", mais "nous ne censurerons que sur des actes", a ajouté l'élu belfortain, expliquant que son groupe "préfère pour l'instant exercer une pression" sur l'exécutif "dans une logique de moindre mal".
Le député d'extrême droite a affirmé que le plan de politique générale de Michel Barnier ne contenait "rien de très convaincant, mais rien de très choquant non plus", selon M. Bigot.
Mais compte tenu des tensions politiques croissantes, Michel Barnier devra probablement faire face à de multiples défiances dans les mois à venir.
En anticipation des débats autour du budget, ce jeudi
La France subit la pression de l'exécutif de l'Union européenne pour réduire sa dette colossale.
Au début de l'année, le pays a été placé sous une procédure formelle pour endettement excessif, première étape d'un long processus avant qu'un État membre puisse être mis au pied du mur et contraint de prendre des mesures correctives.
Dans son discours inaugural devant le Parlement la semaine dernière, M. Barnier a déclaré qu'il s'efforcerait de réduire le déficit de la France d'un niveau estimé à 6 % du produit intérieur brut actuellement à 5 % l'année prochaine grâce à un resserrement budgétaire de 60 milliards (66 milliards de dollars), l'objectif étant d'atteindre 3 % d'ici à 2029.
Pour ce faire, il a promis de réduire les dépenses de l'État, de dépenser l'argent plus « efficacement » et de lutter contre l'évasion fiscale et d'autres fraudes.
Le gouvernement doit présenter officiellement son projet de loi de finances 2025 jeudi, avant un débat houleux attendu au Parlement, alors que les syndicats et les partis d'opposition de gauche se préparent à s'opposer à certaines mesures d'austérité.