Qu’il est doux, le regard d’Audrey Diwan posé sur son actrice, Noémie Merlant, dans le film Emmanuelle. On devine les discussions que les deux femmes ont dû avoir, en amont, afin que la comédienne puisse se glisser dans la peau de l’icône érotique avec une confiance aussi désarmante. Pourtant, lors des scènes de nudité, bien des œuvres échouent à faire se rencontrer la vision d’un cinéaste avec les limites du consentement des interprètes. Prendre en compte ces questions délicates est très récent… C’est la mission que se donne le coordinateur d’intimité.
Pour Emmanuelle, Noémie Merlant s'est entourée de la réalisatrice Audrey Diwan ainsi que de la chorégraphe Stéphanie Chene avec qui elle travaille depuis Les Olympiades de Jacques Audiard (ce dernier a par ailleurs renouvelé sa collaboration avec Stéphanie Chene lors de son dernier film, Emilia Pérez). Toutes les trois, elles abordent chaque séquence à caractère sexuel avant de s'essayer à la tourner. L'intention est d'élaborer une manière juste de traduire visuellement la connexion du personnage à son désir. “C’est subtil, quand même, de montrer sans mots, sans explication, le passage d’une sexualité dénuée de plaisir à une véritable exploration de celui-ci”, explique Noémie Merlant dans un communiqué. Car si l'actrice annonce clairement n'avoir aucune pudeur dans son travail, elle souligne malgré tout l'importance d'un environnement de confiance pour l'accompagner dans ses ambitions. “J’ai commencé le mannequinat tôt, on m’a tout de suite fait comprendre que je ne suis qu’un corps, que je dois fermer ma gueule, que je dois sourire, que je dois être mince et même encore plus mince que ce que je suis, ajoute-t-elle. Tous les jours, j’étais pesée et touchée. Durant ma première séance photo, je me fais agresser sexuellement par le photographe alors que je suis mineure. L’agence a défendu le photographe. Et ça va encore durer des années comme ça.”
L'art de coordonner l'intimité
La coordination d’intimité commence à se développer aux États-Unis vers 2008, au théâtre essentiellement : les cache-sexes n’existent pas encore et, lors de certaines séquences, les acteurs se retrouvent au contact des corps de leurs partenaires de jeu, et de tous les dangers que cela implique (gène, attouchements non désirés, réveil de traumatismes passés). Quelques années plus tard, le mouvement #MeToo brise le tabou sur les violences sexistes et sexuelles au sein de l’industrie du cinéma et de la télévision. Dans ce contexte, la comédienne et chorégraphe britannique Ita O’Brien se demande comment soutenir les acteur·ices avec qui elle est en train de travailler. Elle rédige un protocole avec des directives précises : disséquer le script avec le cinéaste, tout d’abord, s’interroger sur l’intérêt des scènes intimes pour la narration, mais aussi discuter de leur réalisation. La nudité est-elle totale ou partielle ? Quels sont les gestes attendus ? Le cadrage, la lumière ? Selon le souhait de la production, le coordinateur d’intimité peut être amené à participer à l’écriture de certaines séquences. Il s’entretient ensuite avec les acteur·ices, leur communique les intentions du metteur en scène et s’assure qu’ils sont d’accord avec celles-ci (ce qui peut changer à tout moment).